Epidémiosurveillance en santé animale

Progression de la peste porcine africaine en Europe de l’Est : extension vers l’Ouest en Pologne et augmentation du nombre de cas au sein de la faune sauvage

Pour la VSI par ordre alphabétique : Anne Bronner (Dgal), Didier Calavas (Anses), Julien Cauchard (Anses), Sylvain Falala (Inra), Pascal Hendrikx (Anses), Alizé Mercier (Cirad)
Pour le LNR : Marie-Frédérique Le Potier
Auteur correspondant : alize.mercier@cirad.fr
 
Sources : données ADNS/FAO Empres-i actualisées au 09/01/2018 ; réunions ScoPAFF (rapports du 6-7 avril 2017, du 13 juillet 2017 et du 27-28 novembre 2017) ; services vétérinaires tchèques (SVSCR) (https://www.svscr.cz/amp-mapy/)

La peste porcine africaine (PPA) continue de circuler dans le Nord-Est de l’Europe (Tableau 1). Elle a progressé à l’intérieur de l’Union européenne depuis les zones frontalières de l’Est de l’Europe et une diffusion de la maladie principalement « en tache d’huile » continue d’être observée dans et à partir des pays touchés avec au cours des dernières semaines/mois :

  • en Lituanie, depuis juillet 2017, une forte augmentation du nombre de cas chez les sangliers sauvages,
  • en Pologne une propagation vers l’Ouest, avec à présent de nombreux cas chez les sangliers dans la région de Varsovie, et globalement une extension vers le Sud du pays, aussi bien à partir de la zone infectée à l’Est du pays que de la zone infectée autour de Varsovie,
  • en République tchèque, une récente propagation vers le Sud en dehors de la zone à haut risque qui semblait jusqu’ici avoir été circonscrite,
  • en Ukraine des foyers sur l’ensemble du territoire, menaçant les pays limitrophes (Slovaquie, Hongrie, Sud-Est de la Pologne, Nord et Est de la Roumanie).

 
En ne tenant pas compte de la Sardaigne où la maladie circule de manière enzootique depuis plus de 35 ans, un total de 9 259 foyers et cas de PPA ont été déclarés en Europe dans dix pays (Fédération de Russie, Pologne, Ukraine, Biélorussie, Moldavie, les trois pays Baltes, Roumanie et République Tchèque) du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017 (Tableau 1, Figure 1)[1]. En 2017, un nouveau cas de PPA a été déclaré en Biélorussie (les derniers cas déclarés en Biélorussie dataient de 2013), et pour la première fois en Roumanie et République tchèque.

Tableau 1 : Nombre de foyers au sein d’élevages (« élev. ») et de cas au sein de la faune sauvage (« sauvage ») de peste porcine africaine (PPA) confirmés dans le Nord-Est de l’Europe du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017 (Sources : ADNS/FAO Empres-i)

Tableau 1 : Nombre de foyers au sein d’élevages (« élev. ») et de cas au sein de la faune sauvage (« sauvage ») de peste porcine africaine (PPA) confirmés dans le Nord-Est de l’Europe

Alors que le nombre de cas déclarés en Lettonie est resté relativement stable ces dernières années, le nombre de cas de PPA au sein de la faune sauvage a fortement augmenté en Lituanie et en Pologne depuis juin 2017 pour la Lituanie et octobre 2017 pour la Pologne. Cette augmentation du nombre de sangliers touchés en Pologne s’est accompagnée d’une progression vers une zone précédemment indemne autour de Varsovie.

Figure 1: Evolution des foyers et cas de peste porcine africaine (PPA) chez les porcs domestiques et les sangliers sauvages dans le Nord-Est de l’Europe

Figure 1: Evolution des foyers et cas de peste porcine africaine (PPA) chez les porcs domestiques et les sangliers sauvages dans le Nord-Est de l’Europe du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017 inclus (Sources : ADNS/FAO Empres-i)
 
 
DIFFUSION VERS L'OUEST DE LA POLOGNE AVEC DES CAS DECLARES DANS LA REGION AUTOUR DE LA CAPITALE

Au cours de l’année 2017, une propagation de la maladie a été observée vers le Sud de la Pologne depuis la région frontalière avec la Lituanie et la Biélorussie. Ensuite, en fin d’année 2017, la PPA a fait un « bond » vers l’Ouest et, depuis le 17 novembre 2017, des cas de PPA ont été déclarés autour de Varsovie (Figure 2). Selon le rapport du CVET à la Commission européenne (rapport du 27-28 novembre 2017), trois régions sont touchées : Legionowo (au Nord de Varsovie), le parc national de Kampinsky (au Nord-Ouest) et Piasecsno (au Sud). Selon ce même rapport, l’origine de l’introduction du virus dans cette région daterait approximativement de début octobre 2017 et serait dû à une diffusion de produits ou d’animaux contaminés dans la région de Legionowo
 

Figure 2 : Distribution des cas et des  foyers de PPA en Pologne du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017 – foyers en élevage

Figure 2 : Distribution des cas et des  foyers de PPA en Pologne du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017 – foyers en élevage (points rouges) et dans la faune sauvage (points jaunes) (source : (link is external)https://bip.wetgiw.gov.pl/asf/mapa/) ; site consulté le 12/01/2018

AUGMENTATION DU NOMBRE DE CAS DE PPA DANS LA FAUNE SAUVAGE EN EUROPE DEPUIS 2014

On constate une augmentation du nombre de déclarations de PPA dans la faune sauvage depuis juin 2017 en Europe (Figure 3). Cette variation est cohérente avec la variabilité saisonnière observée depuis 2014, mais il est à noter aussi que le nombre de cas annuels en Europe est en progression constante : 314 en 2014, 1 687 en 2 015, 2 383 en 2016 et 3 946 en 2017.

Figure 3 : Nombre de cas de PPA confirmés dans la faune sauvage par mois dans le Nord-Est de l’Europe

Figure 3 : Nombre de cas de PPA confirmés dans la faune sauvage par mois dans le Nord-Est de l’Europe du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017 (Sources : ADNS/FAO Empres-i) (les cas de la Fédération de Russie et de la Biélorussie ne sont pas inclus)

Cette tendance est particulièrement marquée en Lituanie par rapport aux années précédentes. La tendance fait l’objet d’études par les pays concernés sans qu’aucune explication ne soit avancée jusqu’à présent.

 
RECRUDESCENCE DES FOYERS AU SEIN D'ELEVAGES 

En 2017, une recrudescence du nombre de foyers en élevages porcins a été constatée dans les pays où la maladie est désormais enzootique depuis plusieurs années, et ce principalement en Pologne (81 foyers en 2017, comparé à 20 foyers en 2016 et seulement 1 foyer en 2015) (Tableau 1).

Au cours de l’année 2017, la Pologne a déclaré ses premiers foyers chez des porcs domestiques le 8 juin 2017, alors que les derniers foyers au sein d’élevages remontaient à septembre 2016. Depuis juin 2017, le nombre de foyers déclarés dans des élevages porcins a augmenté en Pologne, malgré l’évolution depuis juillet 2017 des règles européennes en termes de mesures de lutte contre la maladie (source : décision Commission 2014/709/UE), dont notamment :

-    l’interdiction d’utiliser du fourrage vert, des céréales ou de la paille en provenance des zones soumises à des restrictions,
-    l’obligation de tenir des registres concernant toute entrée et sortie de l’exploitation (animaux, moyens de transport, personnes, fournisseurs),
-    l’interdiction d’abattre des porcs pour la consommation personnelle, autres que ceux provenant de l’élevage,
-    l’obligation de construire autour des élevages infectés une tranchée ou un mur de 1,5 m,
-    l’interdiction pour les salariés de travailler dans un autre élevage ou d’avoir leur propre élevage de porcs.

Les derniers foyers en élevage ont été confirmés en août 2017 pour la Roumanie, en septembre 2017 pour la Lituanie et l’Estonie, en octobre 2017 pour la Lettonie et en décembre 2017 pour la Russie et la Moldavie. L’Ukraine et la Pologne déclarent régulièrement des foyers en élevage depuis début 2017 et depuis juin 2017 respectivement.

De manière générale, le ratio entre le nombre de foyers en élevage et le nombre de cas chez les sangliers varie d’un pays à l’autre. La PPA est déclarée principalement, voire uniquement, au sein de la faune sauvage en Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne et République Tchèque, et plutôt dans les élevages porcins en Ukraine et en Russie (Figure 4). Ce constat peut être dû à la sensibilité respective de la surveillance dans les deux compartiments d’une part, et au contexte de l’élevage et de la faune sauvage (sangliers) localement (densité et relations entre les élevages de porcs, proximité avec la faune sauvage, abondance de la faune sauvage, types d’élevages de porcs et biosécurité de ces élevages, etc.). Par ailleurs, il existe un biais dans les déclarations de cas dans la faune sauvage : pour certains Etats, un sanglier correspond à un cas alors que pour d’autres, un cas correspond à un groupe de sangliers morts.

Figure 4 : Proportions relatives des foyers et des cas de peste porcine africaine (PPA) dans la faune sauvage et dans les élevages dans le Nord-Est de l’Europe

Figure 4 : Proportions relatives des foyers et des cas de peste porcine africaine (PPA) dans la faune sauvage et dans les élevages dans le Nord-Est de l’Europe du 1er janvier 2014 au 10 janvier 2018 (sources : ADNS/FAO Empres-i)
 

SITUATION EPIDEMIOLOGIQUE PARTICULIERE EN REPUBLIQUE TCHEQUE

La République Tchèque connaît une situation épidémiologique particulière. Après les deux premiers cas détectés chez des sangliers les 21 et 22 juin 2017, un total de 202 cas a été déclaré en 2017 dans un secteur très limité de la région de Zlin à l’Est du pays voir la note de la Plateforme ESA du 1er septembre 2017 https://www.plateforme-esa.fr/article/progression-de-la-peste-porcine-af...

L’introduction de la maladie serait due à un facteur humain (poubelles d’un hôpital local qui aurait introduit des denrées contaminées, fréquentées par des sangliers), mais cette hypothèse reste non démontrée à ce jour (source : réunion CPCASA, réunion ScoPAFF du 13/07/2017).

Toutefois, cinq carcasses de sangliers ont été retrouvées le 21 décembre en dehors de la zone à haut risque qui avait été circonscrite (Figure 5). Selon un bilan des services vétérinaires tchèques (SVSCR) au 12 janvier 2018, sur 384 sangliers sauvages retrouvés morts dans la région de Zlin, 191 se sont révélés positifs pour la PPA.

Figure 5: Cas positifs (en rouge) de PPA dans le district de Zlin en République tchèque

Figure 5: Cas positifs (en rouge) de PPA dans le district de Zlin en République tchèque (source : SVSCR au 12/01/2018)

Depuis juillet 2017, des mesures de lutte particulières ont été mises en place, la chasse a été interdite au sein d’une zone délimitée par des grillages, afin d’éviter la migration des sangliers vers des zones « indemnes ». Une augmentation de la pression de chasse aux abords de cette zone a été préconisée pour permettre aux chasseurs de tirer tous les sangliers dans les zones les plus à risque de diffusion. Une compensation financière a été proposée, à condition que les chasseurs mettent à disposition des échantillons provenant des sangliers chassés. Plus de 1 900 sangliers ont ainsi été abattus, principalement dans les zones de Kroměříž et de Uherské Hradiště (source : média Prague TV 21/08/2017 – https://prague.tv/en/s72/Directory/c222-Pets/n10590-Army-to-intervene-in...).

On ne dispose par contre pas d'information sur la situation en Slovaquie dans la zone qui jouxte la région sous surveillance en République tchèque.
 
VIGILANCE DANS LES PAYS FRONTALIERS DE LA ZONE ATTEINTE

Des pays à risque d’introduction de la PPA, du fait de leur proximité géographique avec des pays infectés – tels que la Hongrie ou la Slovaquie– ont mis en place des mesures surveillance et de prévention telles que la surveillance évènementielle et programmée, des contrôles aux frontières, ou encore des campagnes de sensibilisation des professionnels de la santé animale.

La diffusion de la PPA à de nouveaux territoires, notamment d’autres pays européens, à partir des zones infectées, représente une réelle menace, comme le démontre la situation de la République Tchèque, l’extension vers l’Ouest en Pologne, ou le cas déclaré le 27 mars 2017 à l’Est de la Fédération de Russie, à proximité de la frontière avec la Mongolie, dans un élevage familial de 40 porcs. Ces derniers évènements liés très probablement à des transports d’animaux vivants infectés et/ou de produits alimentaires contaminés démontrent la nécessité absolue du maintien de la vigilance et de la sensibilisation de l’ensemble des acteurs de la santé animale, y compris de la faune sauvage, ainsi que des transporteurs et du grand public compte tenu des risques de diffusion à partir des denrées alimentaires contaminées.
 
Références :

  • Beltran Alcrudo, D., J. Lubroth, K. et al.  (2008). "African swine fever in the Caucasus." EMPRES watch, 1-8.
  • Costard, S., B. Wieland, et al. (2009). African swine fever: how can global spread be prevented? Phil. Trans. R. Soc. B. 364: 2683–2696.
  • EFSA. (2015). African swine fever. EFSA J. 13, 4163: 1–92.
  • EFSA. (2017). Epidemiological analyses on ASF in the Baltic countries and Poland. EFSA J. 15(3): 4732.
  • Le Potier, M. F., & Marcé, C. (2013). Nouvelle avancée de la Peste Porcine Africaine aux frontières de l'Europe: la Biélorussie atteinte. African swine fever is in the vicinity of Europe: first case notified in Belarus. Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation, 58: 23-24.
  • Malogolovkin A., African swine fever in Russia, ASF-STOP COST Action, Madrid , 20/06/2017)
  • Rowlands, R. J., Michaud, V., et al. (2008). African swine fever virus isolate, Georgia, 2007. Emerging Infectious Diseases, 14(12): 1870-1874.
  • Sánchez‐Vizcaíno, J. M., Mur, L., & Martínez‐López, B. (2012). African swine fever: an epidemiological update. Transboundary and emerging diseases, 59(1): 27-35.
  • Savey, M. (2012). African swine fever: explosive emergence or silent globalization? Virologie, 16(6): 339-341.

 

 


[1] Des différences avec les chiffres de précédents rapports ou cartes sont possibles. En effet, certaines déclarations de foyers – notamment en Biélorussie – ont été modifiées voire supprimées dans les bases de données officielles (ADNS, OIE, FAO).

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