Epidémiosurveillance en santé animale

Point d’actualité sur l’IAHP aux Etats-Unis

Coline Gaubicher (1), Sophie Molia (2), Marisa Peyre (2), Nicolas Gaidet (2), Catherine Rogy (1)

(1) Service économique régional, Ambassade de France aux Etats-Unis, Washington, Etats Unis d‘Amérique

(2)  Cirad, Unité de Recherche AGIRs, Montpellier, France

Le 15 juin, le Service d’inspection de la santé animale et végétale du ministère de l’agriculture des Etats-Unis (USDA-APHIS, Animal and Plant Health Inspection Services) a publié un rapport épidémiologique intérimaire sur la situation de l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) aux Etats-Unis. Au cœur de ce rapport sont présentés les résultats de plusieurs études épidémiologiques afin de déterminer les modalités de propagation du virus IAHP au sein des élevages commerciaux.

Selon l’APHIS, les oiseaux sauvages représentent une voie potentielle d’introduction du virus dans les élevages commerciaux (leur présence a été observée dans 35 % des fermes infectées). S’il s’agit probablement de la source initiale, il semble cependant que le virus se soit propagé localement entre élevages par d’autres moyens, étant donné le nombre et la proximité des fermes touchées par l’IAHP. L’étude prouve que certains groupements d’exploitations (clusters) ont été affectés par des virus génétiquement identiques, ce qui suggère de possibles contaminations latérales inter-exploitations. A l’échelle régionale, la dynamique d’apparition de foyers dans les élevages le long du Mississipi Flyway (route de migration de l’avifaune) au printemps dernier selon une séquence sud-nord, du Midwest (Arkansas, Missouri, Iowa, Minnesota) au Canada (Ontario), suggère que les oiseaux sauvages migrateurs ont pu être impliqués dans la dispersion continentale des virus vers le nord lors de leur migration printanière. Un total de 85 oiseaux sauvages (principalement des canards et oies prélevés par des chasseurs ou trouvés mort dans la nature) ont, à ce jour, été trouvé infectés par ces virus IAHP aux Etats-Unis depuis début 2015 ((link is external)USDA’s National Veterinary Services Laboratories).

Une explication vraisemblable de la contamination inter-exploitations est une application non suffisamment stricte des mesures de biosécurité. A titre d’exemple, l’APHIS a observé les pratiques suivantes : partage d’équipements entre des exploitations infectées et non infectées, mouvements d’employés entre des exploitations infectées et non infectées, défaut de nettoyage et de désinfection des véhicules circulant entre les exploitations, présence de rongeurs et de petits oiseaux à l’intérieur des bâtiments.

D’après cette première étude de l’APHIS, la transmission du virus pourrait aussi être en partie imputable à des facteurs environnementaux. En effet, l’APHIS a découvert que des échantillons d’air collectés à l’extérieur des poulaillers infectés contenaient des particules virales, ce qui indique que le virus peut être aéroporté et donc transmis par voie aérienne.

Des analyses de données éoliennes montrent des résultats mitigés : dans une première étude visant un groupe d’exploitations infectées dans le Minnesota, la direction de dissémination de l’infection ne correspond pas à celle des vents dominants sur la même période temporelle ; dans une autre étude comparant visuellement (et non pas statistiquement) la courbe épidémique du nombre d’exploitations infectées dans deux comtés du Minnesota avec les périodes de vents forts prolongés (pendant au moins 2 jours), une corrélation semble exister entre l’augmentation du nombre d’exploitations touchées et les périodes de vent fort prolongée (avec un décalage temporel de 5 à 7 jours).

Le rapport épidémiologique du 15 juin 2015 a été complété le 15 juillet par trois études sur l’analyse des mesures de biosécurité en place (étude descriptive et étude cas-témoin) et sur la détection de virus IAHP H5N2 dans la faune sauvage vivant à proximité des élevages :

1.Une analyse approfondie des questionnaires complétés dans le cadre des enquêtes et visites d’exploitations, plus particulièrement sur la thématique de la biosécurité

A partir de visites menées dans 81 exploitations de dindes touchées par l’IAHP et situées dans le Midwest, il apparaît qu’en général, les fermes disposaient de protocoles de biosécurité établis par les industries en aval de la production. Toutefois seules 43 % d’entre elles avaient fait l’objet d’un audit ou évaluation des pratiques de biosécurité par des entités compétentes extérieures. L’APHIS estime que les exploitations auraient pu réduire le risque de contamination en vérifiant que les procédures de biosécurité étaient mises en place correctement.

Par ailleurs, les équipements ont joué probablement un rôle dans la transmission du virus. Dans la majeure partie des cas inclus dans l’étude, des véhicules transitaient par plusieurs exploitations. Les oiseaux sauvages constituent une autre voie potentielle de transmission du virus. Dans 35 % des exploitations visitées, leur présence a été évaluée comme quotidienne ou régulière.

2.Une étude cas/témoin visant à comparer les mesures de biosécurité en place dans des fermes touchées par l’IAHP et des fermes non touchées

Menée dans 59 exploitations de poules pondeuses et de poulettes (26 exploitations cas, 33 exploitations témoins) dans l’Iowa et le Nebraska, cette étude a permis d’identifier des facteurs de risque de contamination : être situé dans l’une des zones de contrôle (d’un rayon de 10 km), utiliser l’équarrissage comme méthode d’élimination des oiseaux morts, partager des véhicules (camions de la compagnie, remorques, véhicule de ramassage des oiseaux ou des œufs), partager des équipements entre fermes (alvéoles, plateaux, palettes), recevoir des visites d’employés de la compagnie qui entrent dans les granges, présence de cultures de maïs à proximité. Certains paramètres sont associés à un moindre risque d’infection : être situé à plus de 90 mètres (100 yards) d’une route publique en gravier ou en terre, avoir une station de lavage des véhicules située dans la propriété et être à plus de 160 km (100 miles) de l’usine de transformation des œufs utilisée par la ferme. Il faut néanmoins garder à l’esprit que ces facteurs de risque et facteurs de protection sont des résultats préliminaires puisqu’ils ont été identifiés au moyen de tests univariés conduits sur un nombre relativement réduit (n=59) d’observations. Ils doivent donc à ce stade être considérés comme des hypothèses de facteurs de risque ou de protection. Des analyses multivariées sont prévues sur un plus grand nombre d’observations et elles apporteront sans doute des modifications à la liste des variables significativement associées au fait d’être un cas ou témoin.

L’analyse qualitative des enquêtes menées au niveau de 28 exploitations de poules pondeuses et de poulettes infectées révèle que la majorité des producteurs considéraient que la voie de dissémination du virus la plus probable au sein de l’élevage était la voie aérienne. La plupart d’entre eux a spécifiquement fait mention de l’observation que les premiers oiseaux malades se trouvaient à proximité d’un ventilateur. D’autres facteurs de risque potentiels ont été cités tels que la proximité d’une route (aérosols), l’exposition aux vents dominants et/ou la proximité de champs irrigués. Enfin, les compagnies comprenant au moins quatre exploitations représentaient 16 des 28 exploitations cas (ce type d’organisation de la production avec des compagnies rassemblant plusieurs exploitations est commun dans l’élevage de pondeuses en Iowa) ; l’utilisation de matériel commun a pu constituer un facteur de risque potentiel.

3.Une étude de détection des virus influenza et plus particulièrement du virus IAHP H5N2 dans la faune sauvage (aviaire et mammifère) vivant à proximité de dix élevages de poules pondeuses (5 infectés par le H5N2 et 5 non infectés)

L’analyse en laboratoire des 2 627 échantillons prélevés sur 426 individus est en cours.

Par ailleurs, l’USDA a publié au mois de juin deux documents relatifs à la surveillance de l’IAHP dans la faune sauvage :

1.Un programme de surveillance de l’IAHP chez le gibier d’eau : 2015 (2015 Surveillance Plan for Highly Pathogenic Avian Influenza in Waterfowl in the United States)

http://www.aphis.usda.gov/animal_health/downloads/animal_diseases/ai/20…

Ce document détaille l’organisation du système national de surveillance de l’influenza chez les oiseaux sauvages. Ce système vise notamment à informer les producteurs de volailles et la communauté agricole du niveau de risque d’infection en fonction de la zone géographique afin que les producteurs soient alertés et puissent renforcer les mesures de biosécurité si besoin.

2.Un plan stratégique inter-agences pour la détection précoce et la surveillance de l’IA d’importance chez les oiseaux sauvages (U.S. Interagency Strategic Plan for Early Detection and Monitoring for Avian Influenzas of Significance in Wild Birds) http://www.aphis.usda.gov/animal_health/downloads/animal_diseases/ai/wi…

Ce document détaille l’organisation du système de détection et de surveillance des virus d’influenza aviaire chez les oiseaux migrateurs. Ce système vise à guider les législateurs, les industriels du secteur animal, les organisateurs de foires, les gestionnaires de la faune sauvage et le grand public quant aux protocoles à mettre en œuvre en cas de menace imminente de virus d’influenza aviaire circulant dans l’avifaune sauvage.

Depuis juin, il n y a pas eu de nouveaux foyers d’IAHP rapportés aux Etats Unis (point au 14/08/2015).

Le rapport intégral est disponible à l’adresse suivante :

http://www.aphis.usda.gov/animal_health/animal_dis_spec/poultry/downloa…