Epidémiosurveillance en santé animale

Influenza aviaire faiblement pathogène : Situation sanitaire en France au 13 mars 2018

Estelle Mollaret (1), Célia Malhere (2), Alexandra Troyano-Groux (1)*, Didier Calavas (3)*, Anne Bronner (1)*

(1) DGAl, Bureau de la santé animale, Paris, France

(2) DGAl, Mission des urgences sanitaires, Paris, France

(3) Anses, Coordinateur Plateforme ESA, Lyon, France

* Membre de l’équipe opérationnelle de la Plateforme ESA
 
Auteur correspondant : estelle.mollaret@agriculture.gouv.fr
  
Mots clés : influenza aviaire, IAFP, France
Keywords: Avian influenza, LPAI, France
 
Depuis le 27 octobre 2017, la France a recouvré son statut indemne d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), en accord avec les critères de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Ce statut a pu être obtenu grâce à l’éradication des foyers d’IAHP détectés entre fin 2016 et juin 2017 et suite à l’absence de nouveaux foyers d’IAHP en France pendant plus de trois mois.

Une surveillance de l’influenza aviaire reste nécessaire, afin de prévenir d'autres épizooties pouvant porter préjudice à la filière avicole, mais également dans un objectif de santé publique.
Depuis le 1er juillet 2017, les seuls foyers d’influenza aviaire détectés en France ont été des foyers d’influenza aviaire faiblement pathogène (IAFP). Ces foyers ont été en majorité détectés dans le cadre d’une surveillance programmée.
 
MODALITES DE LA SURVEILLANCE DE L’INFLUENZA AVIAIRE

La surveillance des foyers d’influenza aviaire en élevage en France se décline à plusieurs niveaux : une surveillance programmée (ou surveillance active) et une surveillance événementielle (surveillance clinique).
La surveillance événementielle s’appuie sur la déclaration et l’investigation de suspicions cliniques.
La surveillance programmée s'appuie classiquement sur la surveillance annuelle réalisée dans le cadre de la réglementation européenne et, depuis mi-2017, sur une surveillance annuelle de chaque unité de production de reproducteurs et futurs reproducteurs, par sérologie.
En complément, des autocontrôles avant mouvements de palmipèdes prêts-à-gaver (PAG) vers les salles de gavage ont été rendus obligatoires entre le 1er décembre 2017 et le 15 janvier 2018, puis reconduits entre le 1er février et le 15 mars 2018. Les prélèvements (écouvillons cloacaux et oro-pharyngés) doivent être réalisés sur vingt animaux, dans les dix jours précédant le mouvement des animaux.
Un bilan détaillé des dépistages conduits entre le 1er décembre et le 15 janvier 2018 est disponible sur le site de la Plateforme ESA : /bilan-de-la-campagne-de-depistage-de-l-influenza-aviaire-chez-les-palmipedes-gras-avant.

BILAN DES FOYERS DEPUIS LE 1er DECEMBRE 2017

Du 1er décembre 2017 au 13 mars 2018, 25 foyers d’IAFP ont été confirmés par le LNR (laboratoire national de référence) par analyse PCR (réaction en chaîne par polymérase). Les circonstances de détection et les espèces touchées diffèrent pour ces foyers. On peut noter qu’une grande majorité de ces foyers (22 sur 25) a été détectée dans le cadre des autocontrôles réalisés avant mouvement de canards par les professionnels. Deux autres foyers ont été détectés dans le cadre de la surveillance évènementielle et concernaient des élevages de dindes (un élevage de reproducteurs et un élevage de futurs reproducteurs). Ces deux foyers ont été détectés suite à des signes cliniques évocateurs de l’influenza aviaire (baisse de consommation d’eau, baisse de ponte et quelques morts) et ont ensuite été confirmés par RT-PCR. Le dernier foyer concerne un élevage de canards et autres oiseaux d’ornement ; cet élevage a été confirmé par RT-PCR dans le cadre d’un export vers la Suisse.
La répartition géographique de ces 25 foyers est plutôt concentrée dans le Nord-Ouest, et dans une moindre mesure dans le Sud-Ouest de la France. Ainsi dix foyers ont été détectés dans la région des Pays de la Loire, cinq en Nouvelle Aquitaine et en Occitanie, quatre en Bretagne et pour finir un dans les Hauts-de-France (Tableau 1 et figure 1).

Tableau 1. Distribution géographique des foyers IAFP

Tableau 1. Distribution géographique des foyers IAFP

Concernant les résultats virologiques dans ces différents foyers, il est possible de préciser que le sérotype H5N3 FP est le plus souvent détecté, suivi par le sérotype H5N2 FP. Ainsi, le sérotype H5N3 a été détecté dans douze des 25 élevages confirmés par PCR, dont les deux élevages de dindes dans lesquels des signes cliniques ont pu être observés. Le sérotype H5N2 a été détecté dans quatre foyers. Pour neuf foyers, la neuraminidase n’a pas pu être identifiée (sous type H5NX).

Figure 1. Répartition des foyers d’IAFP en France confirmés par le LNR

Figure 1. Répartition des foyers d’IAFP en France confirmés par le LNR entre le 1er décembre 2017 et le 13 mars 2018 (source DGAl / ADNS)

Sur la période d’étude allant du 1er décembre 2017 au 13 mars 2018, la majorité des foyers d’IAFP a été détectée au cours du mois de février et des deux premières semaines de mars, avec respectivement treize et huit foyers détectés (Figure 2). Au cours des mois de décembre 2017 et de janvier 2018 et en cumulant les deux mois, seuls quatre foyers ont été détectés.

Figure 2. Distribution hebdomadaire des foyers d’IAFP détectés en France

Figure 2. Distribution hebdomadaire des foyers d’IAFP détectés en France entre le 01/12/2017 et le 13/03/2018 (confirmation par PCR)

MESURES DE GESTION SUITE A LA SUSPICION OU LA CONFIRMATION D’UN FOYER D’IA

Suite à une suspicion d’influenza aviaire, c’est à dire i) en cas de détection de signes cliniques évocateurs d’influenza aviaire, ou ii) dans le cadre d’un résultat PCR mettant en évidence la présence d’un virus H5 dans un laboratoire de criblage, ou iii) d’une séropositivité détectée dans le cadre de la surveillance programmée, les mesures suivantes sont mises en place :
- l'exploitation est placée sous arrêté préfectoral de mise sous surveillance (APMS) prévoyant notamment une interdiction de mouvements des animaux,
- une zone de contrôle temporaire (ZCT) de 1 à 3km autour de l’exploitation,
- le dépeuplement de l’exploitation sur site.
Lorsque le LNR Anses indique la pathogénicité du virus (FP ou HP), le zonage est revu (1km pour un foyer FP, 3 et 10km pour un foyer HP). Un dépistage des exploitations autour du foyer, ainsi qu’une enquête épidémiologique sont réalisés.

BILAN DE LA SURVEILLANCE - PERIODE 1er DECEMBRE 2017 AU 13 MARS 2018

Sur la période 1er décembre 2017-15 janvier 2018, la prévalence des foyers d'IAFP, et de la positivité au gène M des lots de palmipèdes PAG testés, était restée faible. L'augmentation en chiffres absolus du nombre de foyers d'IAFP en février / mars doit être confrontée au nombre de dépistages réalisés. Il n'est toutefois pas exclu que cette augmentation soit en partie liée à la remise en parcours des palmipèdes, avec un nombre d'animaux plus élevé par lot, la période de claustration obligatoire des animaux s'achevant au 15 janvier 2018. 
Sur la période d’étude du 1er décembre 2017 au 13 mars 2018, aucun élevage en lien épidémiologique avec un foyer ou dans les élevages de la zone des 1km ne s’est révélé être positif pour l’influenza aviaire après investigations. Ce constat permet de supposer un faible pouvoir de diffusion des virus d’IAFP, conjugué potentiellement à l’effet du renforcement des mesures de biosécurité en élevage en application des dispositions réglementaires.

Par comparaison avec d’autres pays européens, et à l'exception de l'Italie qui a déclaré trois foyers d'IAFP depuis le début de 2018, la France est l’unique pays ayant rapporté des cas d’IAFP depuis septembre 2017. Cette différence est vraisemblablement directement liée à l'importance de la production de palmipèdes en France et à la surveillance programmée systématique dans la filière canards PAG mise en place à l’échelle du pays, qui à notre connaissance n’est pas systématique dans les pays voisins. Cette surveillance programmée s’inscrit dans une volonté de la France d’avoir une surveillance rapprochée des virus d’influenza aviaire circulants, le but étant d’éviter une diffusion incontrôlée de virus d’influenza aviaire, qui pourrait contribuer à favoriser une mutation d’un virus faiblement pathogène en virus hautement pathogène, et mener à une nouvelle crise pour la filière avicole. Dans le même temps, ces résultats reposent la question des objectifs de la surveillance vis à vis des virus d’IAFP (qui sont bien plus la maîtrise que l'éradication, comme le souligne l'Anses dans son avis 2018-SA-0022), et de la nécessité de mettre en place des mesures de gestion adaptées au risque, et acceptables à la fois pour les éleveurs et d'un point de vue sociétal. Cette problématique fait l'objet de travaux et de discussions au niveau national, européen et international.