Extension géographique de l’acarien exotique Tropilaelaps, parasite des abeilles : Bilan de la situation au niveau international au 31 juillet 2025
Pour le Laboratoire National de Référence sur la Santé des Abeilles1 : Stéphanie Franco, Marion Laurent, Véronique Duquesne.
Pour le comité de rédaction VSI de la Plateforme ESA (par ordre alphabétique) : Julien Cauchard, Céline Dupuy, Guillaume Gerbier, Sophie Molia, Carlène Trévennec
Pour la DGAl : Jean-François Ravisé, Cédric Sourdeau
Auteur correspondant : plateforme-esa@anses.fr ; lnr.abeille@anses.fr
Anses, Unité Pathologie de l’Abeille, Sophia Antipolis, France
Cette note présente une mise à jour de la répartition géographique de l’acarien parasite des abeilles Tropilaelaps, considéré comme exotique dans l’Union européenne, au 31 juillet 2025.
Elle fait suite à la note publiée en janvier 2025 et intègre de nouvelles informations épidémiologiques sur la propagation de Tropilaelaps.
Essentiels |
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Sources de données |
Pour la réalisation de cette note, les données ont été :
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Les acariens du genre Tropilaelaps sont des parasites externes des abeilles, originaires d’Asie. Ils se reproduisent et se nourrissent dans le couvain d’abeilles, engendrant des affaiblissements de colonies, des désertions de ruches, des mortalités et des pertes de production. Parmi les quatre espèces de Tropilaelaps décrites, seules Tropilaelaps clareae et T. mercedesae sont capables de parasiter Apis mellifera, l’abeille à miel d’origine européenne (Franco et Duquesne 2024).
L’infestation des abeilles mellifères par Tropilaelaps spp. est inscrite sur la liste des maladies à déclaration obligatoire de l’Organisation mondiale pour la santé animale (OMSA) (source : OMSA).
Cette parasitose, à ce jour absente du territoire de l’Union européenne (UE), fait l’objet d’une réglementation sanitaire spécifique[1].
En France, au-delà des obligations européennes de surveillance et de prévention, des mesures de police sanitaire sont prévues pour lutter contre toute éventuelle introduction de ce parasite exotique.
Evolution de la distribution géographique de Tropilaelaps depuis fin 2024 (au 31 juillet 2025)
Description
- Présence suspectée en Azerbaïdjan
Selon une déclaration de l’Association des apiculteurs d’Azerbaïdjan relayée par un média local (musavat.com, 14 mars 2025), la présence de Tropilaelaps spp. serait suspectée dans les régions nord et ouest du pays, ainsi que plus récemment dans le district de Bilasuvar, au sud-est, près de la mer Caspienne. L’article ne précise ni la date exacte de détection ni les modalités d’identification du parasite.
- Présence suspectée en Biélorussie
Lors du congrès scientifique de l’Académie d’État de Médecine Vétérinaire de Vitebsk (VSAVM), qui a eu lieu les 15 et 16 mai 2025, une étude menée dans le district de Vitebsk a signalé la détection de Tropilaelaps spp. dans 19,54 % des 173 colonies inspectées entre 2023 et 2024. Ces travaux, présentés par Goryachev et Kuzmich (2025), avaient pour objectif d’identifier les principaux parasites affectant les abeilles dans cette région.
- Présence suspectée en Crimée
Une étude conduite en 2023 dans le district de Belogorsk (Crimée) a mis en évidence la présence conjointe de Varroa destructor (16 individus) et de Tropilaelaps spp. (150 individus) dans un rucher, à partir de l’analyse de 249 larves d’abeilles. Ces résultats, publiés dans une revue scientifique russe (Khokhlova, 2023), visaient à confirmer l’introduction de ces deux parasites dans la région.
À ce jour, aucune de ces détections n’a été confirmée par les autorités officielles des pays concernés, ni notifiée à l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA).
Les figures 1, 2 et 3 présentent une version actualisée des cartes de répartition géographique de Tropilaelaps. Dans ces figures, la mention de « présence confirmée » désigne une infestation ayant fait l’objet d’une notification officielle auprès de l’OMSA et/ou d’une publication dans une revue scientifique à comité de lecture. A l’inverse, la notion de « présence suspectée » repose sur des sources non officielles, telles que des sites d’associations apicoles, des échanges avec des scientifiques locaux, des médias ou des publications non académiques, sans validation par l’OMSA ni publication scientifique formelle.

Figure 1 Répartition géographique mondiale des deux espèces de Tropilaelaps décrites
chez A. mellifera (T. clareae et T. mercedesae) au 31 juillet 2025.
Sources : Anderson et Morgan, 2007 ; Brandorf et al., 2024 ; Chantawannakul et al., 2016 ; de Guzman et al., 2017 ; Goryachev et Kuzmich, 2025 ; Janashia et al., 2024 ; Joharchi et Stolbova, 2024 ; Khokhlova, 2023 ; Mohamadzade Namin et al., 2024 ; Sammataro et al., 2000 ; notifications d’événements sanitaires de l’OMSA (système WAHIS-OMSA consulté le 31 juillet 2025) ; informations issues du site web d’un média local (concernant l’Azerbaïdjan) et communications personnelles avec le laboratoire de l’Anses à Sophia Antipolis (concernant l’Iran et le Tadjikistan).

Figure 2 Distribution géographique de T. clareae et T. mercedesae en Asie et en Europe, et nouvelles détections depuis 2016 (au 31/07/2025).
Sources : Anderson et Morgan, 2007 ; Brandorf et al., 2024 ; Chantawannakul et al., 2016 ; de Guzman et al., 2017 ; Goryachev et Kuzmich, 2025 ; Janashia et al., 2024 ; Joharchi et Stolbova, 2024 ; Khokhlova, 2023 ; Mohamadzade Namin et al., 2024 ; Sammataro et al., 2000 ; notifications d’événements sanitaires de l’OMSA (système WAHIS-OMSA consulté le 31 juillet 2025) ; informations issues du site web d’un média local (concernant l’Azerbaïdjan) et communications personnelles avec le laboratoire de l’Anses à Sophia Antipolis (concernant l’Iran et le Tadjikistan).

Figure 3 Répartition géographique de Tropilaelaps spp. dans les territoires proches du continent européen (au 31/07/2025).
Sources : Anderson et Morgan, 2007 ; Brandorf et al., 2024 ; Chantawannakul et al., 2016 ; de Guzman et al., 2017 ; Goryachev et Kuzmich, 2025 ; Janashia et al., 2024 ; Joharchi et Stolbova, 2024 ; Khokhlova, 2023 ; Mohamadzade Namin et al., 2024 ; Sammataro et al., 2000 ; notifications d’événements sanitaires de l’OMSA (système WAHIS-OMSA consulté le 31 juillet 2025) ; informations issues du site web d’un média local (concernant l’Azerbaïdjan) et communications personnelles avec le laboratoire de l’Anses à Sophia Antipolis (concernant l’Iran et le Tadjikistan).
Analyse et interprétation
Ces trois suspicions (Azerbaïdjan, Biélorussie, Crimée) n’ont pas été confirmées par des analyses officielles, ni notifiées à l’OMSA. Par ailleurs, aucune de ces données n’a été publiée dans une revue scientifique internationale à comité de lecture. Elles doivent donc être considérées avec prudence. Cependant, la présence de l’acarien dans ces territoires apparaît très probable. En effet, de précédentes informations ont fait déjà état de la propagation du parasite en Asie centrale et dans des régions russes et géorgiennes situées à l’Est du Caucase (cf. note de la Plateforme d’épidémiosurveillance en santé animale du 31/01/2025).
Les informations disponibles ne permettent pas de caractériser précisément la situation épidémiologique dans les territoires et pays concernés. Elles proviennent principalement de projets scientifiques ponctuels, menés sur un nombre limité de ruchers, sans objectif de mesure de la prévalence ou de suivi de la diffusion du parasite. Elles ne s’appuient pas sur des dispositifs de surveillance officiels.
La diffusion potentielle de Tropilaelaps spp. dans des régions de plus en plus proches géographiquement de l’Union européenne (UE) représente une menace croissante pour l’apiculture européenne. Dans les cas signalés en Biélorussie et en Crimée, la détection du parasite remonte à 2023, ce qui laisse supposer une installation possible et durable dans ces territoires. L’introduction du parasite dans l’UE pourrait avoir lieu : - par le processus de dispersion naturel, via la phorésie des acariens sur les abeilles adultes, - ou via les pratiques apicoles, notamment les mouvements d’abeilles vivantes et de matériel apicole usagé, qui constituent des voies de propagation rapides de Tropilaelaps.
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Conclusion
Malgré la faible qualité des données épidémiologiques disponibles, ces nouvelles d’informations montrent une nouvelle fois l’extension géographique de Tropilaelaps spp. et son rapprochement de l’UE.
Cette diffusion représente une menace de plus en plus sérieuse pour la filière apicole internationale, et plus particulièrement européenne et française.
La prévention du risque d’introduction de Tropilaelaps dans l’UE repose sur le respect des dispositions règlementaires relatives aux importations de reines issues de pays tiers et aux échanges intracommunautaires d’abeilles vivantes (voir encadré ci-après). Les modalités d’applications des règles relatives aux échanges et aux importations de reines sont précisées sur le site du MASA : https://agriculture.gouv.fr/apiculture-renforcement-de-la-vigilance-vis….
La détection précoce de toute introduction potentielle est essentielle pour tenter une éradication dans les plus brefs délais et éviter l’installation durable du parasite. En effet, une fois bien établi, Tropilaelaps spp. ne peut plus être éradiqué.
Toute suspicion doit être immédiatement déclarée :
- à la direction départementale en charge de la protection des populations (DDecPP) du département de localisation du rucher concerné ;
- ou, pour les régions concernées, par l’intermédiaire du guichet unique de l’Observatoire des mortalités et des affaiblissements de l’abeille mellifère (OMAA) (cf. numéro de téléphone indiqué dans le lien suivant : lien).
Pour en savoir plus sur Tropilaelaps et comment le reconnaître |
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Réglementation UE (source : DGAL) |
Au niveau européen, Tropilaelaps est classé « D+E ». La catégorie D est une « Maladie à l'égard de laquelle des mesures s'imposent en vue d'en empêcher la propagation en cas d'entrée dans l'Union ou lors de mouvements entre les États membres », et la catégorie E est une « Maladie à l'égard de laquelle une surveillance est nécessaire au sein de l'Union » d’après les Règlement (UE) 2016/429 du 9 mars 2016 et Règlement d'exécution (UE) 2018/1882 de la Commission du 3 décembre 2018.
Les règles applicables à l’entrée dans l’UE d’envois de certains animaux, produits germinaux et produits d’origine animale, ainsi qu’aux mouvements et à la manipulation de ces envois sont régies par le Règlement délégué (UE) 2020/692 du 30/01/2020, complétant le règlement (UE) 2016/429.
Le Règlement délégué (UE) 2020/688 de la Commission du 17/12/2019 complète le règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les conditions de police sanitaire applicables aux mouvements d’animaux terrestres et d’œufs à couver dans l’Union.
Le Règlement d’exécution (UE) 2021/404 de la Commission du 24 mars 2021 établit les listes des pays tiers, territoires et zones de pays tiers et territoires en provenance desquels l’entrée dans l’Union d’animaux, de produits germinaux et de produits d’origine animale est autorisée conformément au règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil.
Le Règlement d’exécution (UE) 2021/403 de la Commission du 24 mars 2021 définit les modalités d’application des règlements (UE) 2016/429 et (UE) 2017/625 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les modèles de certificat zoosanitaire et les modèles de certificat zoosanitaire/officiel pour l’entrée dans l’Union et les mouvements entre les États membres d’envois de certaines catégories d’animaux terrestres et de leurs produits germinaux, ainsi qu’en ce qui concerne la certification officielle relative à ces certificats, et abrogeant la décision 2010/470/UE. |
Références bibliographiques
Anderson, D. L. et M. J. Morgan. 2007. "Genetic and morphological variation of bee-parasitic Tropilaelaps mites (Acari: Laelapidae): New and re-defined species." Experimental and Applied Acarology 43 (1): 1-24. https://doi.org/10.1007/s10493-007-9103-0.
Brandorf, Anna, Marija M. Ivoilova, Orlando Yañez, Peter Neumann et Victoria Soroker. 2024. "First report of established mite populations, Tropilaelaps mercedesae, in Europe." Journal of Apicultural Research: 1-3. https://doi.org/10.1080/00218839.2024.2343976.
Chantawannakul, P., L. I. de Guzman, J. Li et G. R. Williams. 2016. "Parasites, pathogens, and pests of honeybees in Asia." Apidologie 47 (3): 301-324. https://doi.org/10.1007/s13592-015-0407-5.
Franco, S. et V. Duquesne. 2024. "Tropilaelaps, une menace de plus en plus sérieuse pour l’apiculture européenne." La Santé de l'Abeille (234): 47-59.
de Guzman, L. I., G. R. Williams, K. Khongphinitbunjong et P. Chantawannakul. 2017. "Ecology, Life History, and Management of Tropilaelaps Mites." Journal of economic entomology 110 (2): 319-332. https://doi.org/10.1093/jee/tow304.
Goryachev D.S. et Kuzmich E.G. 2025. “Pests of honey bees in the Belarusian Lakeside Region”. Proceedings of an international scientific and practical conference for students, MScs, PhDs and young scientists, Vitebsk VGAVM 15-16 may 2025. (voir pdf p.32)
Janashia, Irakli, Aleksandar Uzunov, Chao Chen, Cecilia Costa et Giovanni Cilia. 2024. "First report on Tropilaelaps mercedesae presence in Georgia: The mite is heading westward!" Journal of Apicultural Science. https://doi.org/10.2478/jas-2024-0010.
Joharchi, O. et V. V. Stolbova. 2024. "The first report on the ectoparasitic genus Tropilaelaps (Acari: Mesostigmata: Laelapidae) in Russia." Persian Journal of Acarology 13 (3): 513-516. https://doi.org/10.22073/pja.v13i3.85545.
Khokhlova О. 2023. “Infestation of Apis mellifera by ectoparasites Varroa destructor and Tropilaelaps in the Crimea” Internauka 42 312:17–19. (voir pdf)
Mohamadzade Namin, Saeed, Omid Joharchi, Sunil Aryal, Ratna Thapa, Sun-Ho Kwon, Boymakhmat A. Kakhramanov et Chuleui Jung. 2024. "Exploring genetic variation and phylogenetic patterns of Tropilaelaps mercedesae (Mesostigmata: Laelapidae) populations in Asia." Frontiers in Ecology and Evolution 12. https://doi.org/10.3389/fevo.2024.1275995.
Organisation mondiale de la santé animale (OMSA). Consultée le 08/08/2025. Système mondial d'information sanitaire (WAHIS) : https://wahis.woah.org/#/home.
Sammataro, D., U. Gerson et G. Needham. 2000. "Parasitic mites of honey bees: life history, implications, and impact." Annual Review of Entomology 45: 519-48 https://doi.org/10.1146/annurev.ento.45.1.519.
[1]L’infestation par Tropilaelaps spp. est classée en catégories D et E dans la loi de Santé Animale européenne. Elle est soumise à notification obligatoire (voir Annexe I point 1 du règlement (UE) 2020/2002).