Epidémiosurveillance en santé animale

Dermatose nodulaire contagieuse en Grèce et dans les pays voisins

Elena Arsevska (1,2), Philippe Caufour (1,2), Renaud Lancelot (1,2)

Auteurs par ordre alphabétique dans le cadre de la Veille sanitaire internationale

(1) Cirad, UMR Contrôle des maladies animales exotiques et émergentes (CMAEE), Montpellier, France

(2) Inra, UMR 1309 CMAEE, Montpellier, France

Le 21 août 2015, deux foyers de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) ont été identifiés pour la première fois en Grèce, à Evros, dans les régions de Macédoine de l'Est et de Thrace. Dans deux fermes de 99 et 98 bovins, 10% et 4% du cheptel respectivement ont présenté des signes cliniques typiques de DNC. L’analyse des prélèvements a confirmé l'implication de Capripoxvirus. Les deux fermes étaient situées à moins de 10 km de la frontière turque. Les 4 et 18 septembre 2015, de nouveaux foyers ont été notifiés dans 22 autres fermes bovines de la même région avec des taux de morbidité et de mortalité de 15% et 3% en moyenne (Figure 1) (OIE WAHID, 2015). Des mesures préventives (abattage des troupeaux affectés, mesures de zonage et de quarantaine et restriction des mouvements de troupeaux ainsi que vaccination) auraient été prises en Grèce (Promed).

La DNC appartient au groupe des varioles des ruminants, infections à déclaration obligatoire auprès de l’OIE et soumises à la réglementation de la Commission européenne (82/894/EEC, 89/162/EEC). Les bovins (DNC), les ovins (clavelée) et les caprins constituent les espèces cibles des varioles des ruminants. Ces maladies sont causées par des virus appartenant au genre Capripoxvirus, famille de Poxvirus. Indistincts sur le plan sérologique, les différents Capripoxvirus se distinguent par leur spécificité d'hôte, plus ou moins stricte, ainsi que par la sévérité de leur pathogénicité. Dans certaines épizooties, une seule espèce animale est affectée, alors que dans d'autres, deux ou trois espèces sont atteintes. Les modes de transmission direct et indirect semble être les modes majeurs de transmission pour les souches affectant les petits ruminants. Pour les souches bovines, la transmission vectorielle par les insectes hématophages semble être le mode préférentiel, bien que les modes de transmission direct et indirect soient également possibles.

Jusqu’en 1986, la DNC était confinée aux régions sub-sahariennes. L’Egypte a été touchée en 1988, puis Israël en 1989. Depuis, des foyers confirmés en laboratoire ont été observés dans la péninsule Arabique et au Moyen-Orient : Azerbaïdjan, Chypre (Nord), Iran, Irak, Israël, Jordanie, Koweït, Liban, Territoires autonomes de Palestine et Turquie (Figure 2). Entre 2013 et 2014, ce dernier pays a déclaré 236 foyers de DNC à l’OIE ; les données pour 2015 ne sont pas encore disponibles. En matière de contrôle, 1,6 millions de bovins ont été vaccinés en Turquie (Defra, 2015). L’autre pays européen limitrophe de la Turquie – la Bulgarie – n’a pas déclaré de foyers de DNC (OIE WAHID, 2015) mais des mesures préventives (restriction des mouvements) auraient été prises (Focus News Agency, Sofia, Promed). Enfin, des foyers de DNC ont été identifiés en Russie (Tlyaratinsky, république du Dagestan) en septembre 2015, avec un taux de létalité de 8%, dans deux villages situés à 10 km de la frontière avec l’Azerbaïdjan et la Géorgie. Deux foyers supplémentaires ont été notifiés le 21 septembre 2015, dans les républiques du Daghestan et de la Tchétchénie. La Géorgie n’a déclaré aucun cas de DNC ces dernières années (OIE WAHID, 2015) mais l’Azerbaïdjan a déclaré seize foyers de DNC en 2014 (aucun en 2015).

Des simulations d’épizooties faites par un groupe du travail de l’Efsa pour le récent rapport d’évaluation du risque d’introduction de la DNC dans l’Union européenne, ont montré que des mesures d’abattage permettraient d’éviter la diffusion du virus dans 90 % des cas. Cependant, dans 10 % de cas, le virus serait transmis jusqu’à 400 km et pendant six mois après la première incursion du virus (EFSA, 2015).

La dynamique de distribution des varioles des petits ruminants se distingue de celle de la DNC. Les varioles des petits ruminants sont enzootiques en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. De fréquentes incursions ont été rapportées dans le sud-est de l'Europe au cours des dernières décennies. La Grèce elle-même a déclaré 162 foyers de clavelée d’août 2013 à mars 2015 (OIE WAHID, 2015). Les mesures de contrôle prises dans ce pays ont consisté en l'abattage des troupeaux affectés, la désinfection des sites, un dépistage épidémiologique (modalités non précisées), des mesures de zonage et de quarantaine et la restriction des mouvements de troupeaux. D’autre part, la Bulgarie a déclaré quatre foyers de variole des petits ruminants en 2013 et la Russie en a déclaré 11 foyers de 2010 à 2015.

Du fait de la circulation concomitante de divers Capripoxvirus dans les mêmes régions, il serait utile aujourd'hui d'entreprendre, de façon coordonnée, des enquêtes d'épidémiologie moléculaire. Les analyses fourniraient des éléments pour mettre en lumière les voies d'introduction, les risques de propagation et d’installation et déduire des mesures de prévention et de lutte à mettre en œuvre.

La principale méthode de prophylaxie des Capripoxvirus est la vaccination. Dans les pays indemnes, la prévention de l’introduction se fait par l’interdiction des importations de bétail, carcasses, cuirs, peaux et semence en provenance de zones infectées. Dans les pays infectés, l’OIE recommande une quarantaine stricte pour éviter l'introduction d'animaux infectés dans les troupeaux indemnes. En cas de foyer, les mesures à prendre sont l’isolement des animaux et l’interdiction des déplacements, l’abattage de tous les animaux malades et infectés, l’incinération des animaux morts, la désinfection des locaux et des outils et une lutte contre les vecteurs présents dans les locaux et sur les animaux. À l'exception de la vaccination, les mesures prophylactiques sont inefficaces (OIE Manuel terrestre, 2008).

Sources :

Manuel terrestre de l’OIE 2008. Dermatose nodulaire contagieuse. Chapitre 2.4.14. http://web.oie.int/fr/normes/mmanual/pdf_fr/Volume%202_pdf/Chap%202.4.1…

EFSA Panel on Animal Health and Welfare (AHAW). Scientific Opinion on lumpy skin disease. http://www.efsa.europa.eu/sites/default/files/scientific_output/files/m…

Tuppurainen, E. S. M., & Oura, C. A. L. (2014). Lumpy skin disease: An African disease getting closer to the EU. Vet Record, 175:300-301.

Defra. Lumpy Skin Disease in Greece. Preliminary Outbreak Assessment. https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/fi…

Figure 1. Foyers de la DNC déclarés en 2015 par les  pays de la zone Méditerranée et Moyen-Orient. Source de données

Figure 1. Foyers de la DNC déclarés en 2015 par les  pays de la zone Méditerranée et Moyen-Orient. Source de données : OIE

Figure 2. Foyers de la DNC déclarés en 2014 par les  pays de la zone Méditerranée et Moyen-Orient.

Figure 2. Foyers de la DNC déclarés en 2014 par les  pays de la zone Méditerranée et Moyen-Orient. Source de données : OIE