Bilan de l’IAHP dans la faune sauvage en France en 2024
Pour l’OFB : Loïc Palumbo, Nicolas Toulet
Pour le laboratoire national de référence : Béatrice Grasland, Eric Niqueux, Audrey Schmitz, François-Xavier Briand
Pour le comité de rédaction VSI de la Plateforme ESA : Julien Cauchard, Céline Dupuy, Guillaume Gerbier, Carlène Trévennec
Auteurs correspondants : plateforme-esa@anses.fr
Essentiels |
L’année 2024 aura marqué une année de baisse dans les détections de cas d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) dans l’avifaune sauvage, après deux années de crises épizootiques. Une refonte réglementaire, entamée en 2023 par de nouveaux arrêtés ministériels, a également marqué 2024 avec la parution de l’instruction technique DGAL 2024-462 relative à la surveillance en faune sauvage, notamment chez les mammifères (terrestres et marins). Chez les oiseaux sauvages, en dépit de la diminution du nombre de cas, deux profils épidémiologiques, identifiés depuis 2022, ont persisté : - La circulation virale s’est maintenue malgré la montée des températures (printemps et été), notamment en Bretagne et Pays de la Loire. - Le spectre observé d’espèces touchées incluait une proportion importante de laridés. Un projet pilote de surveillance programmée « CAMARGO » a débuté, en Camargue, au cours du second semestre 2024 dans le cadre du projet européen EFSA ‘SENTINEL wild birds’. Ce programme n’a pas mis en évidence de cas positif IAHP en 2024. Concernant les mammifères, un nombre restreint d’analyses a été réalisé sur la base de suspicions cliniques ou épidémiologiques et aucun cas positif IAHP n’a été détecté dans l’Hexagone et les DROM. Dans les Outre-mer, aucun cas n’a été détecté sur l’île de la Réunion ou dans les Antilles. Une circulation épizootique dans les Terres australes et antarctiques françaises a par contre été identifiée à partir d’octobre, chez différentes espèces d’oiseaux (notamment des manchots royaux) et chez des éléphants de mer. En Europe, le nombre de détections en 2024 est très inférieur aux années précédentes. Les cas sur laridés deviennent plus sporadiques. Cependant, des mortalités de cygnes ont été observées dans plusieurs pays à partir d’octobre. Dans le monde, 2024 aura essentiellement été marquée, en termes d’IAHP, par une émergence et une circulation importante de virus H5N1 de clade 2.3.4.4b, génotype B3.13 chez les bovins laitiers aux USA. Ce génotype n’a pas à ce jour été détecté en dehors des USA. |
Sources |
Données extraites et consolidées le 01/03/2025 : base de données (Epifaune) de surveillance événementielle influenza aviaire en faune sauvage, OFB- SAGIR. Commission européenne ADIS le 01/04/2025 Nous remercions tous les partenaires qui ont permis les analyses, services territoriaux de l’OFB, fédérations départementales des chasseurs, laboratoires vétérinaires d’analyse, LNR, Pelagis ainsi que la DGAL.
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La surveillance de l’influenza chez les mammifères sauvages
La surveillance des virus influenza chez les mammifères a été recommandée en juillet 2023 par l’EFSA (https://www.efsa.europa.eu/fr/news/avian-influenza-efsa-recommends-incr…) et est maintenant prévue par la réglementation européenne (modification du règlement 2020/689 en date du 11/10/2023). En France, la surveillance dans la faune sauvage est organisée par l’instruction 2024-462 .
La mise en place d’une surveillance IAHP chez les mammifères sauvages, terrestres et marins, a conduit à la réalisation de plusieurs prélèvements chez des mammifères sauvages (renards, mustélidés, pinnipèdes), mais n’a pas mis en évidence de cas positif IAHP. En France, un renard positif avait été identifié en 2023 en Seine-et-Marne dans un contexte de circulation massive chez des laridés.
Chez les mammifères marins, la surveillance est assurée par le Réseau National d’Echouage (RNE) piloté par l’observatoire Pelagis.
Une année avec deux profils de circulation virale dans l’avifaune sauvage
Description
En France métropolitaine, dans le cadre de la surveillance événementielle pilotée par le réseau SAGIR, 620 oiseaux morts ont été collectés et analysés pour la recherche d’influenza aviaire (IA) du 01/01/2024 au 31/12/2024 (Tableau 1). Le nombre d’oiseaux collectés en 2024 représente une baisse de 75 % par rapport à 2023, déjà en baisse de 20 % par rapport à 2022 (Tableau 1) . Le taux de positivité à l’IAHP parmi les oiseaux sauvages morts collectés en 2024 était de 8,7 % (soit un peu plus d’un tiers du taux observés en 2022). Autant en termes de nombre d’analyse que de taux de positivité, 2024 marque donc une année de sortie de crise, en faune sauvage, après 2 années d’épizooties majeures.
Tableau 1. Nombre d’oiseaux sauvages collectés et positifs à l’influenza aviaire hautement pathogène, en France, entre 2020 et 2024.
Année | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | 2024 |
Nombre d’animaux collectés | 539 | 1 010 | 3 150 | 2 540 | 620 |
Nombre d’animaux positifs | 11 | 47 | 698 | 381 | 54 |
Pourcentage de positivité | 2% | 4,6% | 22,1% | 15% | 8,7% |
Le projet pilote de surveillance active, lancé en Camargue dans le cadre du projet européen EFSA ‘SENTINEL wild birds’, n’a pas mis en évidence de cas positif IAHP supplémentaire en 2024.
Tous les cas d’IAHP détectés en 2024 en France sont liés à des infections par des virus de sous-type H5N1 de clade 2.3.4.4b de la lignée A/goose/Guangdong/1/96 alors que la souche H5N5 a été détectée dans d’autres pays d’Europe.
La distribution spatiale des cas peut être scindée en deux grandes zones géographiques avec des dynamiques différentes. Dans la partie nord de la France la quasi-totalité des cas IAHP était associée à une circulation du génotype FR9 (EA-2022-BB selon la nomenclature européenne) chez les Laridés en Bretagne et Loire-Atlantique au deuxième semestre 2024 (à compter du mois de juin). Une détection ponctuelle de génotype FR19 (EA-2023-DT, dérivé du génotype FR9) peut également être signalée. Dans les régions plus au sud (Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie), des cas ponctuels de virus H5N1 HP ont été détectés chez différentes espèces avec plusieurs génotypes en cause (FR18/EA-2023-DG en janvier, FR9 et FR20/EA-2024-DI au dernier trimestre).
Dans les Outre-mer, la surveillance événementielle a été effective dans 3 DROM (île de la Réunion, Guadeloupe et Martinique) et aucun cas n’a été détecté. Une surveillance a également été réalisée dans les Terres australes et antarctiques françaises, en lien avec les équipes de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises et de l’institut polaire français Paul-Émile-Victor a permis d’identifier une circulation épizootique à partir d’octobre, chez différentes espèces d’oiseaux (manchots royaux, albatros hurleurs et skuas) et chez des éléphants de mer. Cette épizootie est phylogénétiquement reliée aux cas observés en octobre 2023 dans les îles australes de Géorgie du Sud situées au sud de l’Amérique du Sud (biorxiv Clessin et.al, 2025).
Analyse et interprétation La détection de cas chez des laridés tout au long du second semestre 2024 en Bretagne et Pays de la Loire, marque une probable endémicité du génotype FR9 dans ces populations, comme déjà supposé en 2022-2023, (Briand et al., 2025) avec des mortalités circonscrites et une vraisemblable circulation sous-jacente peu létale mais plus étendue.
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Figure 1. Distribution des analyses de recherche IAHP dans l’avifaune sauvage en France métropolitaine entre le 01/01/24 et le 31/12/24.

Figure 2. Incidence mensuelle (nombre de déclarations sur quatre semaines glissantes) des cas d’infection par des virus IAHP H5 détectés en 2024 en France dans l’avifaune sauvage, par groupe d’espèces d’oiseaux sauvages. NB : plusieurs cas impliquant éventuellement des individus d’espèces différentes peuvent figurer dans une même déclaration ; dans ce cas, la déclaration est comptabilisée plusieurs fois dans sur la courbe d’incidence (une fois pour chaque espèce touchée). En revanche, le nombre de déclarations ne reflète pas le nombre de spécimens pour chaque espèce
Conclusion
Le changement de dynamique épidémiologique de l’influenza aviaire hautement pathogène dans l’avifaune sauvage observé depuis 2022 s’est maintenu en 2023 et 2024, avec une proportion importante de cas chez des laridés, en lien avec le génotype FR9 et y compris en période estivale. Ceci pourrait traduire une endémisation de ce génotype. Une forte baisse du nombre de cas positifs IAHP est toutefois observée depuis fin 2023, avec un retour à une circulation sans cas groupés de nature épizootique en 2024 en France métropolitaine. La situation est bien moins favorable dans les Terres australes et antarctiques françaises.
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