Epidémiosurveillance en santé animale

Bilan de la saison 2022 de fièvre West Nile en Europe.

Pour le laboratoire national de référence : Gaëlle Gonzalez, Camille Migné, Stephan Zientara ; Pour l’OFB : Anouk Decors, Stephanie Desvaux ; Pour Santé publique France : Harold Noël, Marie-Claire Paty ; Pour le Cirad : Sérafin Gutierrez ; Pour le comité de rédaction VSI de la Plateforme ESA : Jean-Philippe Amat, Sophie Carles, Eric Cardinale, Julien Cauchard, Céline Dupuy, Guillaume Gerbier, Viviane Hénaux, Renaud Lancelot, Célia Locquet, Carlène Trévennec, Sylvain Villaudy

Auteurs correspondants : plateforme-esa@anses.fr

 

Essentiels

  • La saison 2022 s’entend de début juin à mi-décembre (détections sporadiques en décembre).
  • Au total, 267 cas dans l’avifaune (principalement en Allemagne et Italie), 101 foyers équins (principalement en Italie et Espagne) et 1 335 cas humains (principalement en Italie et Grèce) ont été détectés dans douze pays européens.
  • La première détection de la saison a été réalisée sur un pool de moustiques Culex, capturés le 07/06/2022 dans le nord de l’Italie, suivie de deux cas dans l’avifaune détectés au mois de juin, toujours dans le nord de l’Italie.
  • La dynamique temporelle est similaire aux saisons précédentes (pic en août), avec une amplitude plus forte chez les oiseaux et les humains par rapport aux années précédentes. Le démarrage au tout début du mois de juin et les cas sporadiques tardifs sont à mettre en relation avec des conditions climatiques favorables aux vecteurs (printemps chaud et hiver doux) similaires aux conditions observées en 2018.
  • Une extension géographique a été observée dans le nord de l’Allemagne et le sud de l’Italie par rapport aux deux années précédentes et des foyers ont été détectés pour la première fois dans l’ouest de la France (Gironde).

Sources

Sources de données :

  • pour les foyers et cas animaux : Commission européenne ADIS et WAHIS-OMSA, extraites le 04/09/2023.
  • pour les cas humains : données issues de The European Surveillance System – TESSy, fournies par [Allemagne, Autriche, Croatie, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Italie, Portugal, Roumanie, Serbie et Slovaquie][1] et mises à disposition par l’ECDC pour les pays de l’UE-EEA et pays voisins.

Les sources de données et le traitement des informations issues des sources ADIS et WAHIS-OMSA sont décrites <<ICI>>. Les modalités de traitement des données par l’ECDC sont décrites <<ICI>>.

Pour la surveillance faune sauvage en France, source OFB réseau Sagir au 15/03/2023.

 

[1] pays ayant notifié des cas humains à TESSY en 2022

L’ECDC estime que la saison West Nile s’étend généralement de juin à novembre (période de transmission vectorielle) (source : ECDC).

Pour les pays de l’Union Européenne, l’infection par le virus West Nile est à notification obligatoire à la Commission européenne pour les oiseaux et équidés (maladie classée E par le règlement 2018/1882) et à l’ECDC pour les cas humains. Le règlement 2020/2002 rend la notification des cas animaux obligatoire. La surveillance du virus West Nile repose sur une surveillance dans l’avifaune sauvage, dans la population équine et dans la population humaine avec des modalités variant selon les pays. La surveillance évènementielle est la plus fréquente mais certains pays tels que l’Espagne, le Danemark, la Grèce, l’Italie, la Pologne, la République Tchèque, la Roumanie et la Serbie ont mis en place un dispositif complémentaire de surveillance programmée au sein de l’avifaune et des équidés. Cette maladie étant une arbovirose principalement transmise par les moustiques, une surveillance entomologique est également réalisée dans certains pays de l’Union européenne (Espagne, Danemark, Italie, Serbie). Des variabilités dans les dispositifs de surveillance existent selon les pays de l’Union Européenne, en fonction notamment du contexte épidémiologique local (Figure 1).

Début de saison

Description

  • Vecteur : Détection début juin 2022 en Italie (province de Vicence,Vénétie) sur un pool de moustiques Culex capturés le 07/06 (Riccardo et al. 2022), et en Grèce le 08/06/2022 (Tsioka et al. 2023).
  • Avifaune : Deux premiers cas d’infection par le virus West Nile de la saison détectés en Italie, dans la province de Rovigo en Vénétie, le 10/06 sur une corneille noire (Corvus corone) et le 30/06/2022 sur un grand corbeau (C. corax). Un cas sporadique avait été détecté le 19/01/2022 à l’inter-saison en région Ombrie en Italie centrale, sur un autour des palombes (Accipiter gentilis). Au total, douze cas aviaires ont été détectés en juin 2022 en Vénétie.
  • Humains : Premiers cas détectés le 16/04 puis 19/06/2022 en Italie dans la province de Padoue en Vénétie et le 23/06/2022 en Grèce.
  • Equidés : Premiers foyers de la saison détectés les 12 et 19/07/2022 dans deux élevages (n=1/9 et n=1/26) en Vénétie dans le district de Padoue en Italie. Un foyer sporadique à l’inter-saison avait été détecté au Portugal le 26/01/2022 sur un cheval qui avait présenté des signes cliniques.

La figure 1 représente les dispositifs de surveillance des animaux mis en œuvre par les pays européens en 2022.

Figure 1 : Dispositifs de surveillance du virus West Nile chez les vecteurs et chez les animaux (avifaune et équidés) mis en œuvre par les pays européens en 2022 (source : LRUE, Anses le 04/09/2023). Active surveillance = surveillance programmée (en plus de la surveillance évènementielle) ; passive surveillance = surveillance événementielle uniquement. La maladie étant classée catégorie E au règlement européen 2018/1882, la notification est obligatoire. La surveillance évènementielle constitue le dispositif de minimal mis en œuvre pour détecter les cas et foyers.

Analyse et interprétation

Les premières détections de cas en avifaune au mois de juin sont conformes aux dates habituelles de début de saison dans ce compartiment. Pour rappel, le début de saison précédente (2021) avait été précoce, avec un premier cas détecté le 16/04/2021 chez un oiseau captif à Berlin en Allemagne (source : Bilan West Nile 2021). Au mois de juin 2022, l’Italie était le seul pays à avoir détecté des cas sur l’avifaune. A noter que l’Italie réalise une surveillance programmée du virus West Nile toute l’année sur l’avifaune sauvage ainsi que sur les poules (dans les régions identifiées à faible risque de circulation du virus). Le screening d’un grand nombre d’individus augmente leur capacité de détection de cas en début de saison (Figure 1) (sources : Barzon et al. 2022 et LNR le 04/09/2023).

La transmission humaine a commencé plus tôt que les précédentes années (premier cas le 19/06/2022 en Italie), alors que, dans ce pays, l’activité du virus est généralement détectée à partir de la mi-juillet avec un pic en août. Ce début de saison précoce pourrait être lié aux conditions météorologiques et écologiques favorables à la multiplication des vecteurs, comme cela avait été observé en 2018 (Barzon et al. 2022).

Les premiers foyers sur les équidés ont été détectés plus tardivement que les cas en avifaune et chez les humains. L’année précédente, les premiers foyers équins avaient été détectés en Espagne dès le mois de juin sur des élevages sentinelles de chevaux dans le cadre d’une surveillance programmée en Andalousie (en 2022, ce dispositif de surveillance avait été maintenu, avec une surveillance sur les sentinelles débutant au mois de mars chez les équidés, l’avifaune et les moustiques).

La surveillance entomologique conduite en Italie et en Grèce a mis en évidence des détections plus précoces par rapport aux autres dispositifs de surveillance sur l’avifaune, les équidés et les humains.

Évolution spatio-temporelle

Les figures 2a et 2b représentent la répartition spatiale trimestrielle des cas et foyers de West Nile détectés en Europe. La figure 3 représente l’évolution de l’incidence hebdomadaire chez les oiseaux, chevaux et humains pendant l’année 2022.

Description

  • Juillet : 128 cas aviaires et neuf foyers équins en Italie dans les régions de Vénétie, Emilie-Romagne et Sardaigne ; quatre cas aviaires et un foyer équin en Allemagne, dont un premier cas détecté dès le 06/07/2022 sur un Harfang des neiges (Bubo scandiacus) captif dans un zoo du land de Saxe-Anhalt. Des cas humains ont été détectés dans plusieurs pays d’Europe du sud et centrale : Italie (n=218), Grèce (n=47), Serbie (n=16), Roumanie (n=2), et Slovaquie (n=1).

La surveillance entomologique menée en Italie et en Grèce montre un pic au mois de juillet dans la dynamique du taux d’infection qui demeure élevée en août (Riccardo et al. 2022 ; Tsioka et al. 2023) .

  • Août : extension géographique et forte amplitude du nombre de cas et foyers chez les humains et chez les animaux. Plusieurs pays déclarent leurs premières détections pour la saison 2022 :
    • Autriche : première détection le 04/08 d’un cas humain, première détection d’un cas en avifaune le 17/08 sur un aigle impérial (Aquila heliaca) et première détection d’un foyer équin le 23/08,
    • Espagne : première détection le 10/08 d’un cas en avifaune sur un autour des palombes (Accipiter gentilis) en Castille-La-Manche, première déclaration de cas humain le 16/08 à Tarragona, première détection d’un foyer équin le 17/08 en Estrémadure,
    • France : première détection d’un foyer équin le 06/08 dans le Var, première déclaration d’un cas humain le 25/08 dans les Bouches-du-Rhône,
    • Hongrie : première détection d’un foyer équin le 08/08 dans la région de Pest, première déclaration d’un cas humain le 12/08 dans la région de Komárom-Esztergom.

 

Au total sur le mois d’août, 97 cas ont été détectés dans l’avifaune en Italie (n=71), Allemagne (n=23), Espagne (n=1), Autriche (n=2) ; 37 foyers équins en Italie (n=22), Allemagne (n=4), Croatie (n=3), Grèce (n=2), Hongrie (n=2), Espagne (n=2), Autriche (n=1) et France (n=1) ; et 140 cas humains ont été déclarés en Serbie (n=33), Italie (n=29), Grèce (n=23), Roumanie (n=17), Hongrie (n=12), Allemagne (n=9), Autriche (n=6), Croatie (n=5), Espagne (n=4) et France (n=2).

  • Septembre : baisse du nombre de détections, avec un total de 60 cas dans l’avifaune en Italie (n=32), Allemagne (n=22), Croatie (n=2), Espagne (n=3) et Hongrie (n=1) ; 34 foyers équins en Allemagne (n=8), Grèce (n=5), Croatie (n=5), France (n=3),  Hongrie (n=1), Italie (n=7), Portugal (n=1), et Espagne (n=4) et 337 cas humains ont été déclarés en Allemagne (n=14), Autriche (n=2),  Croatie (n=5), Espagne (n=5), France (n=6), Grèce (n=89), Hongrie (n=4), Italie (n=102), Portugal (n=1), Roumanie (n=27), et Serbie (n=82).

Sur les trois foyers équins détectés en France en septembre, deux ont été détectés pour la première fois dans le département de Gironde (près de Blaye le 28/09). L’enquête épidémiologique dans les deux centres équestres concernés n’a pas mis en évidence de mouvements d’animaux en provenance de zone infectée pendant la période qui a précédé la détection des foyers.

  • Octobre et novembre : Poursuite de la baisse du nombre de détections. En novembre, des cas en avifaune ont encore été détectés en Allemagne et Italie, des foyers équins en France, Allemagne, Italie et Espagne et des cas humains en Allemagne, Grèce et Italie.
  • Décembre : Le dernier foyer animal portait sur un équidé détecté le 06/12/2022 en Italie. Le dernier cas humain rapporté à l’ECDC concernait un cas détecté le 13/12 en Allemagne.

En France, un cas humain a été détecté en France 12/12/2022 dans le Var.

Figure 2.A. Localisation des cas humains par trimestre de fièvre West Nile autochtones (acquis localement, par date de notification), des foyers équins et des cas aviaires (par date de suspicion, début d’évènement ou apparition des symptômes) de fièvre West Nile en Europe au cours des deux premiers trimestres 2022 (source : Commission européenne ADIS le 04/09/2023, ECDC le 20/07/2023).

 

Figure 2.B. Localisation des cas humains par trimestre de fièvre West Nile autochtones (acquis localement, par date de notification), des foyers équins et des cas aviaires  (par date de suspicion, début d’évènement ou apparition des symptômes) de fièvre West Nile en Europe au cours du troisième et quatrième trimestre 2022 (source : Commission européenne ADIS le 04/09/2023, ECDC le 20/07/2023).

NB : Les cas humains sont affichés au centroïde de la région administrative NUT3 (Nomenclature des unités territoriales statistiques lien e.g départements pour la France). Les cas détectés dans la même région administrative sont superposés.

Figure 3 : Incidence hebdomadaire (nombre de cas et foyers détectés par semaine) chez l’avifaune, les équidés et les humains pour le virus West Nile en Europe en 2022. Attention, les échelles des axes des ordonnées sont différentes pour chaque partie de la figure (source : Commission européenne ADIS le 04/09/2023, ECDC le 20/07/2023).

Analyse et interprétation

En 2022, la saison de détection du virus West Nile suit une dynamique temporelle similaire chez les animaux et les humains, avec des pics de détection en août. Le pic de détection chez les moustiques (Italie et Grèce) est plus précoce par rapport aux autres espèces animales (juillet).

Un système de surveillance actif semble permettre une détection précoce dans l’avifaune, tandis qu’une détection plus tardive est observée quand seule une surveillance évènementielle est appliquée.

La répartition spatiale est comparable à celle de la saison précédente, sur l’Europe du sud et l’Europe centrale. En Europe de l’est, la Croatie, la Serbie et la Slovaquie ont détecté pour la première fois des cas ou foyers de WN. La Roumanie, la Serbie et la Slovaquie ont détecté uniquement des cas humains, parfois en nombre important (Serbie) alors qu’aucun cas/foyer animaux n’a été détecté. Cela souligne l’importance d’interpréter les résultats de la surveillance du virus West Nile en fonction des modalités de surveillance en place dans les différents pays. Cette information n’est toutefois pas disponible pour l’ensemble des pays.

Par ailleurs, on notera l’expansion du virus dans le sud de l’Italie et le nord de l’Allemagne (détection de cas sur l’avifaune et/ou foyers équins) dans des régions qui avaient été épargnées depuis 2018, et l’apparition de premiers foyers équins dans l’ouest de la France, en Gironde (alors que le virus était cantonné au pourtour méditerranéen jusque-là).

La fin de saison est similaire aux années précédentes chez les animaux, avec une diminution du nombre de cas/foyers détectés sur le mois de novembre et des détections sporadiques en décembre.

Chez les humains, la détection de cas en Allemagne et en France dans le département du Var en décembre 2022 est inhabituelle et tardive. Les séries temporelles des années précédentes sont disponibles en Figure 4.

Amplitude

Description

  • Au total en Europe en 2022, 264 cas dans l’avifaune, 101 foyers équins et 1 335 cas humains ont été détectés dans douze pays.

  • L’Italie et l’Allemagne sont les pays ayant déclaré le plus grand nombre de cas dans l’avifaune, l’Italie et l’Espagne sont ceux qui ont déclaré le plus grand nombre de foyers équins. Le plus grand nombre de cas humains a été déclaré en Italie, suivi de la Grèce et de la Serbie (tableau 1).

 

Tableau 1 : Nombre de déclarations de cas et foyers détectés chez l’avifaune, les équidés et les humains du 01/01 au 31/12/2022 dans les pays d’Europe UE-EEA et voisins (source : Commission Européenne ADIS le 04/09/2023 et TESSY le 20/07/2023).

Pays

Date de détection du premier évènement

Avifaune libre ou captive

Equidés

Humains

Allemagne

06/07/22

51

16

16

Autriche

04/08/22

3

1

6

Croatie

01/08/22

2

8

5

Espagne

10/08/22

9

8

4

France

06/08/22

0

6

6

Grèce

23/06/22

0

9

286

Hongrie

05/08/22

1

3

14

Italie

19/01/22

201*

47

723

Portugal

24/01/22

0

3

0

Roumanie

25/07/22

0

0

48

Serbie

13/07/22

0

0

226

Slovaquie

22/07/22

0

0

1

Europe

19/01/22

267

101

1 335

*Une même déclaration pouvant porter sur plusieurs espèces, les doublons ne sont pas comptés.

Figure 4.  Évolution hebdomadaire du nombre de foyers/cas d’infection au virus West Nile chez les équidés et dans l’avifaune, détectés de 2018 à 2022 en Europe (source : Commission Européenne ADIS le 04/09/2023 et TESSY le 20/07/2023).

L’amplitude du nombre de cas/foyers est supérieure à l’année précédente, mais est inférieure à l’année 2018, pour laquelle des nombres records de détections avaient été signalés (292 foyers équins et 1 491 cas humains). On constate toutefois un nombre record de cas détectés dans l’avifaune cette saison (267 cas). Ce nombre important de détections chez les oiseaux est lié aux cas détectés en Italie qui s’expliquent à la fois par une circulation virale importante en 2022, mais aussi en partie par le système de surveillance spécifique en Italie : dépistages effectués en particulier dans l’avifaune sauvage (merles, pies, geais…) ainsi que chez les poules sentinelles, suivis sérologiques des oiseaux captifs. En 2021, plus de 12 000 individus avaient été testés (EFSA, ECDC 2022; LNR le 04/09/2023). 

L’année 2022 est caractérisée par un nombre très important de cas humains par rapport aux trois années précédentes (entre trois et huit fois plus). Comme en 2018, les conditions climatiques pourraient avoir contribué à l’augmentation des dynamiques d’infection, avec notamment un printemps chaud et un hiver doux.

Aspects génétiques

Description

  • En Italie, des pools de moustiques capturés en Vénétie fin juin et début juillet ont mis en évidence la co-circulation de deux lignées, avec la détection de la lignée 1 dans les provinces de Venise et de Padoue, et de la lignée 2 dans les provinces de Vicence, Padoue, Venise, Vérone et Rovigo (Barzon et al. 2022)).
  • En France, ces deux souches de virus West Nile circulent depuis 2018. Aucune souche n’a pu être isolée et séquencée en 2022.

Analyse et interprétation

Les souches de la lignée 1 identifiées en 2022 en Italie sont proches de celle isolée en France en Camargue en 2015 sur un équidé. La réémergence de la lignée 1 en Italie avait été observée en 2021, après huit années d'absence chez l'Homme et une circulation à bas bruit dans l'avifaune trois ans auparavant. En 2022, une extension vers de nouvelles provinces de Vénétie a été observée (Constant et al. 2022 ; pre-print L'Ambert et al., 2021 BioRixiv).

 

Focus sur la surveillance dans la faune sauvage en France : aucun cas détecté en 2022

Description

Dispositifs de surveillance

Une surveillance évènementielle renforcée des infections dans l’avifaune sauvage par le virus West Nile est en place depuis 2015, suite à la réémergence du virus West Nile en Camargue. Elle est ciblée sur une période à risque : période de transmission vectorielle qui est généralement comprise, selon les années, entre juin et fin novembre.

Elle est mise en œuvre via le réseau Sagir (lien) et l’Anses. Elle cible les départements où la circulation du virus et la transmission à l’Homme est la plus probable. Cela correspondait en 2022 aux départements du pourtour méditerranéen auxquels s’ajoutent les départements des Alpes-de-Haute-Provence (04), Ardèche (07), Drôme (26) et Bas-Rhin (67) (Figure 1) et vise les espèces les plus susceptibles de mourir du virus (les détails du protocole -liste des départements à risque et espèces ciblées- ont été revus en 2019 et en 2023). La surveillance repose sur la découverte, la collecte et l’analyse d’oiseaux trouvés morts ou moribonds. Elle n’a donc pas pour objectif la détection précoce d’une circulation virale qui nécessiterait une surveillance programmée organisée sur les différents compartiments animaux, mais permet d’identifier les souches circulantes et de confirmer l’extension spatiale de la circulation virale.

Différents acteurs sont mobilisés dans le cadre du réseau Sagir pour remonter des observations de terrain en complément des acteurs habituels du réseau (SDIS notamment – service départemental d’incendie et de secours). Les centres de sauvegarde (CDS), les associations de protection de la nature et certains parcs zoologiques sont également sensibilisés et invités à faire tester les animaux suspects des espèces à risque.

Depuis 2021, afin d’accroître la vigilance, une recherche systématique du virus West Nile sur rapaces et corvidés trouvés morts ou moribonds est également entreprise sur les animaux collectés par les acteurs de Sagir hors des départements à risque, pendant la saison à risque (Figure 2).

Figure 1. Départements pour lesquels des recherches de virus West Nile ont été réalisées dans l’avifaune sauvage en 2022 via le dispositif de surveillance renforcée SAGIR dans les départements identifiés à risque, dans des départements non à risque et via la surveillance événementielle menée par les parcs zoologiques (Nbre : nombre ; dpt : département ; WN : West Nile).

[1] Un évènement correspond à la découverte simultanée de plusieurs oiseaux sauvages de la même espèce trouvés morts ou moribonds sur 1 km²

Figure 2. Surveillance Sagir Renforcé pour le virus West Nile dans l’avifaune sauvage (WN : West Nile).

Bilan 2022 de la surveillance en France

  • En 2022, 78 évènements[1] de mortalité (soit 115 cadavres) sur l’avifaune sauvage ont fait l’objet d’une recherche de virus West Nile (diagnostic direct du virus par RT-PCR) : 98 animaux collectés durant la période à risque de juin à novembre et un en dehors. Parmi les 98 animaux collectés en période à risque, 51 étaient issus des départements à risque. La distribution spatiale des départements d’origine des animaux testés est représentée Figure 1.
  • Aucune infection par le virus West Nile n’a été mise en évidence dans l’avifaune sauvage en France en 2022. Pour rappel, aucune infection n’avait été mise en évidence non plus en 2020 et 2021.
  • En complément de la surveillance Sagir, seize oiseaux de parcs zoologiques des départements de la Dordogne (24), du Morbihan (56), de la Moselle (57) et du Bas-Rhin (67) ont été testés par le LNR pour une recherche de présence du virus West Nile, tous étaient négatifs.

Analyse et interprétation

Le nombre d’analyses de dépistage de West Nile a largement augmenté par rapport à 2021 (115 oiseaux analysés contre 44 en 2021). Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer ce changement. Tout d’abord, le recours à l’analyse systématique pour les espèces cibles pendant la période à risque et en dehors des départements à risque. Cette mesure, démarrée en 2021, s’inscrit progressivement dans les procédures terrain avec beaucoup de départements qui ont contribué à cette surveillance. L’épisode exceptionnel d’influenza aviaire hautement pathogène qui a touché la faune sauvage durant l’été 2022 a sans doute aussi contribué à l’augmentation du nombre d’animaux testés.

Le dispositif de surveillance renforcée de l’avifaune sauvage devra également tenir compte des cas équins détectés en Gironde avec une révision de la liste des départements classés à risque.

Conclusion

La saison 2022 a été marquée par des détections au tout début du mois de juin (vecteurs le 07/06 et avifaune le 10/06/2022) et par la détection de cas tardifs (humains le 13/12/2022). L’amplitude des nombres de foyers équins est similaire à l’année passée mais le nombre de cas humains et de cas dans l’avifaune a fortement augmenté. Dans certains pays, le nombre important de détections chez les animaux peut être expliqué en partie par le renforcement des dispositifs de surveillance et l’accroissement des dépistages, tels qu’en France et en Italie. Au contraire, l’absence de surveillance programmée sur les animaux ou de déclaration des cas/foyers animaux peut également induire une image partielle de la circulation virale.

Une extension géographique dans l’ouest de la France (Gironde) est à noter. Il s’agit des premières détections dans cette zone. L’Allemagne du nord et l’Italie du sud ont détecté des cas/foyers animaux alors que ces zones avaient été épargnées depuis deux ans. Les conditions climatiques favorables aux vecteurs (printemps chaud et hiver doux) peuvent expliquer ces extensions spatio-temporelles. L’évolution des zones concernées montre le besoin d’adapter les dispositifs de surveillance.

En France, le contexte de l’influenza aviaire a occasionné de façon exceptionnelle des mortalités sur la période estivale. Ainsi, des évènements de mortalité ont pu être investigués pour l’influenza et West Nile conjointement. Si un tel chevauchement entre les périodes de circulation virale devait se reproduire, il faudra mettre en place un logigramme permettant aux laboratoires de criblage de séquencer les demandes d’analyses.

 

Références bibliographiques

Authority, European Food Safety et European Centre for Disease Prevention and Control. 2022. « The European Union One Health 2021 Zoonoses Report ». EFSA Journal 20 (12): e07666. https://doi.org/10.2903/j.efsa.2022.7666.

Barzon, Luisa, Fabrizio Montarsi, Erika Quaranta, Isabella Monne, Monia Pacenti, Alice Michelutti, Federica Toniolo, et al. 2022. « Early Start of Seasonal Transmission and Co-Circulation of West Nile Virus Lineage 2 and a Newly Introduced Lineage 1 Strain, Northern Italy, June 2022 ». Eurosurveillance 27 (29): 2200548. https://doi.org/10.2807/1560-7917.ES.2022.27.29.2200548.

Constant, Orianne, Patricia Gil, Jonathan Barthelemy, Karine Bolloré, Vincent Foulongne, Caroline Desmetz, Agnès Leblond, et al. 2022. « One Health Surveillance of West Nile and Usutu Viruses: A Repeated Cross-Sectional Study Exploring Seroprevalence and Endemicity in Southern France, 2016 to 2020 ». Eurosurveillance 27 (25): 2200068. https://doi.org/10.2807/1560-7917.ES.2022.27.25.2200068.

Riccardo, Flavia, Antonino Bella, Federica Monaco, Federica Ferraro, Daniele Petrone, Alberto Mateo-Urdiales, Xanthi D. Andrianou, et al. 2022. « Rapid Increase in Neuroinvasive West Nile Virus Infections in Humans, Italy, July 2022 ». Eurosurveillance 27 (36): 2200653. https://doi.org/10.2807/1560-7917.ES.2022.27.36.2200653.

Tsioka, Katerina, Sandra Gewehr, Styliani Pappa, Stella Kalaitzopoulou, Konstantina Stoikou, Spiros Mourelatos, et Anna Papa. 2023. « West Nile Virus in Culex Mosquitoes in Central Macedonia, Greece, 2022 ». Viruses 15 (1): 224. https://doi.org/10.3390/v15010224.

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