Epidémiosurveillance en santé animale

Un cas d’ESB classique chez un bovin né en 2011

Thierry Baron (1), Anne-Gaëlle Biacabe (1) et Didier Calavas (2)

(1)    Anses Lyon, Unité Maladie neuro-dégénératives, LNR Encéphalopathies spongiformes transmissibles, Lyon, France
(2)    Anses Lyon, Unité Epidémiologie, Lyon, France

Un cas d’ESB de type classique, la forme associée à une contamination alimentaire, a été notifié le 24 mars 2016 chez un bovin né en 2011, c'est-à-dire dix ans après les mesures ultimes de sécurisation de l’alimentation des animaux prises en 2001.

Le Laboratoire national de référence EST de l’Anses-Lyon sur les Encéphalopathies spongiformes transmissibles a reçu mi-mars un échantillon de tronc cérébral de bovin envoyé par le Laboratoire de la Somme, du fait d’une positivité à l’issue du test de dépistage de l’ESB. Les analyses réalisées à l’Anses-Lyon ont comporté un test de confirmation par Western blot sur l’homogénat de tissu cérébral préparé par le LVD, ainsi que sur l’échantillon de tronc cérébral d’origine. L’analyse de ces deux échantillons confirme la présence de protéine prion protéinase K-résistante (PrPres) c’est-à-dire permet d’établir le diagnostic d’ESB. Cet échantillon a ensuite fait l’objet d’un test de Western blot discriminant, qui permet la comparaison du phénotype moléculaire de la PrPres à ceux connus dans les deux formes atypiques connues d’ESB (dites H et L)(considérées comme « sporadiques », c'est-à-dire sans origine identifiée), et à la forme d’ESB désormais dite « classique » (ESB-C), qui correspond à la maladie d’origine alimentaire ayant entraîné l’anazootie d’ESB associée à une contamination par les farines de viandes et d’os. C’est ce dernier phénotype moléculaire qui est identifié dans l’échantillon analysé.

 
Il s’agit d’un cas dit hyper NAIF (pour né après l’interdiction totale des farines). L’animal en question avait fait l’objet d’une euthanasie suite à une chute ayant entraîné une parésie et une impossibilité de se relever, ce qui peut être une manifestation clinique  rencontrée en cas d’ESB-C. De plus l’âge au diagnostic est cohérent avec l’âge des cas cliniques d’ESB-C (4 à 8 ans, le mode étant à 5-6 ans) dans la première phase de l’anazootie dans les années 1990-2000. Des analyses génétiques sont néanmoins en cours pour vérifier la filiation de l’animal et écarter tout risque d’erreur de traçabilité.

Un cas hyper NAIF a déjà été observé en France sur un animal né en 2004 qui avait fait l’objet d’un avis après auto-saisine de l’Afssa (saisine n°2010-SA-0021). Les hypothèses théoriques envisagées à l’époque restent d’actualité :

  • Persistance d’une source de contamination alimentaire résiduelle des bovins, malgré les mesures réglementaires,
  • Transmission verticale de la maladie, dont la réalité n’a cependant jamais été démontrée expérimentalement chez les bovins ; la mère du cas a été envoyée à l’abattoir en novembre 2015 (données Base nationale d’identification des bovins). Le fait qu’elle aurait survécu plusieurs années après avoir donné naissance au cas est peu compatible avec cette hypothèse,
  • Existence d’une forme d’ESB, à ce jour jamais identifiée, de nature « sporadique » (c’est à dire existant « naturellement » dans l’espèce bovine, sans étiologie identifiée) mais de phénotype moléculaire similaire à celui de l’ESB-C ; l’identification d’une telle forme pathologique serait rendue particulièrement difficile, sinon impossible, compte-tenu des facteurs de confusion avec une exposition alimentaire passée. Elle ne pourrait ainsi être étayée que par la survenue régulière de tels cas dans le monde, sous réserve que l’hypothèse d’une exposition alimentaire non maîtrisée soit écartée, tandis que la réduction récente de la surveillance de cette maladie potentiellement à très faible fréquence rendrait leur identification d’autant plus difficile. Le jeune âge de l’animal ne plaide cependant pas a priori pour une telle hypothèse, surtout si des cas de même nature mais plus âgés n’étaient pas identifiés. Depuis 15 ans après les mesures ultimes de 2001, le nombre considérable de tests réalisés, même si la surveillance a été progressivement allégée, va à l’encontre de cette hypothèse, ou à tout le moins indiquerait que la prévalence d’une telle forme serait extrêmement faible (pour mémoire la prévalence des ESB atypiques est estimée à 1 cas par million et par an, et l’on détecte régulièrement ces formes depuis 10 ans avec le système de surveillance en place) ; une approche statistique permettrait d’estimer la prévalence d’une telle forme, moyennant une modélisation des données.
  • Existence d’une maladie à prion d’origine génétique ; cette éventualité pourrait être explorée par séquençage de la phase ouverte de lecture du gène SNCA codant pour la protéine prion. Tandis qu’aucun facteur de prédisposition génétique n’a été identifié dans l’anazootie d’ESB chez les bovins, un seul cas de maladie à prion génétique a été identifié chez les bovins dans le monde jusqu’à présent avec une mutation E211K, qui était associé à un phénotype moléculaire similaire à celui connu dans l’ESB atypique de type H.

Des investigations sont actuellement menées par une équipe DGAl-Anses pour vérifier l’identité de l’animal, ainsi que sur les hypothèses pouvant expliquer ce cas, notamment les sources possibles d’exposition alimentaire. Deux cas très similaires ont été identifiés en 2015, l’un en Irlande, l’autre au Pays de Galles.
La survenue de ce cas a pour conséquence la perte du statut de « pays à risque d'ESB négligeable » acquis à l’issu de l’assemblée générale de l’OIE de mai 2015. Cela signifie le retour au retrait de certains matériaux à risque spécifié (MRS). Cela n’a par ailleurs pas de conséquences réglementaires en terme d’évolution du dispositif de surveillance.
 

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