Epidémiosurveillance en santé animale

Découverte d’une maladie à prion chez le Dromadaire en Algérie

Didier Calavas1*, Thierry Baron2
Auteur correspondant : didier.calavas@anses.fr

1Anses, Laboratoire de Lyon, Unité Epidémiologie, Lyon, France
2Anses, Laboratoire de Lyon, Unité Maladies neurodégénératives, Lyon, France* Membre de l’équipe de coordination de la Plateforme ESA
* Membre de l’équipe de coordination de la Plateforme ESA
Mots clés : Dromadaire, Maladie à prion, Algérie

Keywords: Camel, Prion disease, Algeria

Une maladie à prion a été détectée en Algérie chez trois dromadaires (Camelus dromedarius) suite à une inspection ante mortem à l’abattoir de Ouargla, dans le Sud-Est de l’Algérie (Babelhadj et al., 2018). Ces trois animaux, âgés de onze à quatorze ans, présentaient des signes cliniques neurologiques compatibles avec une maladie à prion. L’un de ces trois animaux (des vidéos seront disponibles dans l’article définitif) avait des difficultés à se relever, présentait des mouvements répétitifs de la tête et des grincements de dents ; il manifestait de l’agressivité lors des manipulations (NDLR : assez courant même chez le dromadaire sain). Il apparaît rétrospectivement que ce type de manifestations cliniques est observé par les éleveurs de dromadaires dans cette région depuis les années 1980 (Encadré).

Les analyses biologiques réalisées chez les trois dromadaires cliniquement atteints laissent peu de doute sur la réalité de cette maladie à prion (dénommée Camel prion disease par les auteurs (CPD))[1]. L’analyse histologique de l’encéphale met en évidence des lésions de vacuolisation neuronale, et surtout l’analyse par western blot met en évidence les trois bandes caractéristiques de la protéine prion pathologique (PrPSc, pour scrapie prion protein) caractéristique des maladies à prions. Les caractéristiques de cette PrPSc sont différentes de celles observées pour l’ESB-C (encéphalopathie spongiforme bovine classique) et pour l’ESB-C après passage chez le mouton. Cette PrPSc a également été mise en évidence dans le système lymphoïde chez un des trois dromadaires atteints (pour lequel ces tissus étaient disponibles).

Il s’agit de la première description d’une maladie à prion chez le Dromadaire. L’origine de cette maladie est totalement inconnue à ce stade. Aucune autre maladie à prion n’a à ce jour été détectée en Algérie (ESB, tremblante des petits ruminants). Pour autant, cela ne garantit pas l’absence de ces maladies du territoire. Le fait qu’il y ait une distribution périphérique de l’agent infectieux plaide pour une forme infectieuse de maladie à prion, à l’instar de la tremblante classique chez les petits ruminants ou de la maladie du dépérissement chronique chez les cervidés (CWD). Par ailleurs cette large distribution dans l’organisme doit faire se poser la question du risque représenté par les produits alimentaires issus de dromadaires, viande et lait, produits de consommation courante dans de nombreux pays, ou encore cosmétiques (http://camelides.cirad.fr/fr/science/camelact.html.
Les auteurs recommandent la mise en place d’une surveillance dédiée à cette maladie. Il serait de plus très pertinent de mettre en œuvre des travaux expérimentaux (bio-essais en particulier) afin de documenter un éventuel risque zoonotique.
 

Encadré : Manifestations cliniques
L’article de Babelhadj et al. rapporte rétrospectivement ce qui a été observé dans la région de Ouargla.
Depuis cinq ans, des signes neurologiques ont été rapportés lors de l’inspection ante mortem chez des dromadaires, en général adultes : perte de poids, comportement anormal, tremblements, agressivité, hyperactivité, mouvements répétitifs de la tête de bas en haut, démarche hésitante et incertaine, ataxie des membres postérieurs, chutes, difficulté de relever.
Selon les descriptions des éleveurs, le stade initial de la maladie se caractérise par des problèmes de comportement, comme une perte d’appétit ou de l’irritabilité. La séparation du troupeau au pâturage et des manifestations d’agressivité avec des coups de patte et des morsures sont fréquemment observées. La progression de la maladie s’accompagne d’une aggravation des signes neurologiques, et par de l’ataxie menant à un décubitus prolongé et à la mort. La maladie évolue lentement et la phase clinique dure de trois à huit mois.
En interrogeant rétrospectivement les éleveurs et le personnel d’abattoir, ce type de tableau clinique aurait été observé depuis les années 1980.
NDLR : ce tableau clinique est très similaire à ce qui est observé dans les maladies à prion de type « infectieux », ESB-C, tremblante classique, CWD.

 

Références bibliographiques
Baaissa Babelhadj, Michele Angelo Di Bari, Laura Pirisinu, Barbara Chiappini, Semir Bechir Suheil Gaouar, Geraldina Riccardi, Stefano Marcon, Umberto Agrimi, Romolo Nonno, and Gabriele Vaccari, 2018, Prion Disease in Dromedary Camels, Algeria, 2018, Emerging Infectious Diseases, 24, 6,June 2018, ahead of print https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/24/6/17-2007_article.
 


[1] Publication scientifique co-signée par l’Istituto Superiore di Sanità de Rome.

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